Chili : une démocratie dans l'ombre de Pinochet

Photo Marion Esnault

Photo Marion Esnault

Depuis 2019, le Chili est en proie à des changements et des mouvements sociaux d’importance. Marqué par 17 ans de dictature du Général Augusto Pinochet, le peuple chilien veut croire en la démocratie.

Entre 1973 et 1990, le régime a systématiquement persécuté ses opposants et notamment des journalistes. Une période sombre qui, aujourd’hui encore, n’est pas sans conséquences sur les médias. Une frange très conservatrice continue d’occuper les postes à responsabilité et détient le pouvoir économique.

La plupart des médias du pays est aux mains des grands capitaines d’industrie, portant atteinte au pluralisme. Les lignes éditoriales sont en majorité classées à droite de l'échiquier politique, posant, de fait, des problèmes de représentativité.

Quand en 2019, les Chiliens descendent dans la rue pour protester contre le gouvernement, le coût de la vie ou les violences policières, les médias tendent à minimiser l’importance des mouvements en pointant les dégradations et les débordements. Les violences policières n’ont pas épargné les journalistes qui travaillent dans un climat d’insécurité croissante.

Sur le plan législatif, un projet de constitution a été rejeté par référendum en septembre 2022. Un résultat qui a surpris après l’élection de Gabriel Boric, un président issu de la gauche. Une élection qui avait pourtant suscité une vague d’espoir chez de nombreux Chiliens, largement déçus depuis.

À l’international, le référendum a mobilisé les correspondants des médias du monde entier. Quand le Chili, lui, offre un traitement limité et ciblé de l’actualité internationale, se concentrant souvent sur ses principaux partenaires économiques.

Un lourd passé marqué par la dictature. Une situation actuelle chaotique sur les fronts social et politique. Une combinaison qui permet sans doute d’expliquer la 82e place du Chili au classement mondial de la liberté de la presse 2022, en chute de 28 places en un an.

Bastien DUFOUR

Crédits : luisrsphoto

Crédits : luisrsphoto

Être journaliste

sous la dictature de Pinochet

"L’exil ou la mort" 

par Jade Sadmi

Le 11 septembre 1973, le général Augusto Pinochet prend le pouvoir au Chili suite à un coup d’État et instaure une dictature militaire. Commence alors pour les professionnels de la presse d’opposition, une période de traque et de répression massive par la police politique chilienne prête à éradiquer toute idéologie de gauche.

-"Laissez moi au moins mettre mes chaussures" avait demandé José Carrasco Tapia alors rédacteur en chef de la revue d’opposition Analisis et sur le point d’être enlevé par trois civils armés, «tu n’en auras pas besoin» lui avait répondu un de ses bourreaux dans la nuit du 8 septembre 1986. Quelques heures plus tard son corps est retrouvé criblé de 14 balles dans la commune de Huechuraba au nord de Santiago. Le commando du 11 septembre, responsable de l’assassinat de trois autres opposants politiques cette nuit-là avait agi en représailles de l’embuscade tendue au général Pinochet quelques heures auparavant à Melocotón.

Symbole de défense de la liberté de la presse et d’expression

Entre septembre 1973 et 1986, la dictature pinochetiste a causé la mort ou la disparition de 68 professionnels des médias, dont 21 rédacteurs, 20 photographes, cameramen ou techniciens et 27 ouvriers de presse selon RSF. José Carrasco Tapia dit "Pepone" a été l’une des victimes du régime chilien. Journaliste et ancien leader du MIR (Movimiento de Izquierda Revolucionaria) il est une référence dans la profession. "Il symbolise la défense de la liberté d’expression et de la presse, dans une période de violations majeures des droits civiques au Chili. Il a toujours fait preuve d’un courage et d’un engagement inégalable pour les droits de l’Homme" confie Rocio Alorda, directrice du syndicat des journalistes du Chili. Pour la journaliste, élue en 2022, la mort du journaliste "lâchement assassiné" a été une perte énorme pour la profession : "ça a toujours été quelqu’un de très investi alors même qu’il était persécuté et travaillait dans la clandestinité". Ex-collègue et ami de José Carrasco Tapia, Victor de la Fuente, décrit un homme "héroïque, toujours présent en tête de cortège dans les manifestations".

Régime de la terreur

"Pepone" est le dernier journaliste a avoir été assassiné sous la dictature quelques mois après la mort du photographe indépendant Rodrigo Roja, brûlé vif par une patrouille de l'armée. Dès septembre 1973, avait été mis en place un commando appelé Caravane de la mort qui a exécuté au moins 75 prisonniers politiques, dont le directeur de la station Radio Loa, Carlos Berger Guralnik. Pour Benoît Hervieu, professeur à l’Institut des hautes études d’Amérique latine (Sc. Po Paris) la stratégie pinochetiste est avant tout d’instaurer la terreur : "il y a eu un plan de mise au pas sur le plan journalistique et idéologique […] au lendemain du coup d’État, les militaires brûlaient des livres et des publications devant les cendres encore fumantes de la Moneda*". Enlèvement sur la place publique, disparition, torture, exécution, la répression a sévi par le biais de la DINA (Dirección de Inteligencia Nacional) devenue le CNI en 1977 (Central Nacional de Información). Un organisme qui réservait la "faveur" de choisir entre l’exil ou la mort aux prisonniers libérés.

*palais présidentiel chilien

« Les militaires devaient valider nos articles »

Être journaliste sous la dictature chilienne impliquait de devoir choisir son "camp". Il fallait accepter de travailler pour des journaux subventionnés par le régime ou faire le choix d’écrire pour des journaux d’oppositions, pratiquement tous illégaux jusqu’en 1980. Le journal El Mercurio et ceux appartenant au groupe de presse Copesa étaient soutenus par le régime via le versement d’une "aide à la presse" d’une valeur de deux millions de dollars à se répartir entre les deux groupes. Au moment du coup d’État du général Pinochet, El Mercurio parle d’un retour à l’ordre constitutionnel «alors que les militaires sont en train de tirer sur la Moneda» souligne Benoît Hervieu. Une presse propagandiste où "tout ce qu’il pouvait y avoir comme presse indépendante ou en marge disparaît" précise l’universitaire. A partir du milieu des années 1980, dans la seconde phase de la dictature, certaines revues d’opposition : Fortin Mapocho, Analisis, Cauce... émergent grâce à une tolérance relative du régime et sous la pression internationale qui force la dictature à lâcher du lest. Victor de la Fuente, alors journaliste dans la revue Analisis se rappelle de ses conditions de travail dans un climat de censure omniprésent : "les militaires devaient valider nos articles avant qu’ils soient imprimés". Des textes relus, modifiés et des clichés compromettants interdits : "on nous interdisait de publier des photos qui donnaient une mauvaise image des soldats, donc on imprimait avec des espaces blancs. Pour nous c’était un message plus fort de laisser des blancs dans la revue pour que les gens s’interrogent". Pour échapper à cette censure, certaines institutions se sont alors muées en lieu de résistance. Le collège des journalistes du Chili imprimait clandestinement des bulletins d’information distribués sous le manteau et "qui parlaient de ce que les autres médias ne disaient pas" raconte Rocio Alorda, fière que son institution ait abrité "des journalistes persécutés qui ont pu trouvé refuge là-bas".

Aujourd’hui malgré quelques hommages, dont une rue et une association étudiante au nom de José Carrasco Tapia, la mémoire de ces journalistes résistants semble s’effacer. Pour Benoit Hervieu, le constat est implacable auprès d'adolescents chiliens qu’il a pu rencontrer en tant qu'intervenant universitaire : "La dictature, ce sont des livres d’histoire jaunis. Aujourd’hui la figure de José Carrasco Tapia ça ne dit plus rien à la jeunesse chilienne".

Sources : Rocio Alorda: Directrice du syndicats des journalistes du Chili

Benoît Hervieu: Professeur à l'Institut des hautes études d'Amérique latine (Sc. Po Paris)

Victor de la Fuente: Directeur du Monde Diplomatique à Santiago

Memoria Viva: https://memoriaviva.com/nuevaweb/ejecutados-politicos/ejecutados-politicos-c/carrasco-tapia-jose-humberto/

RSF: https://rsf.org/fr/reporters-sans-fronti%C3%A8res-condamne-les-agressions-commises-contre-la-presse-par-des-partisans-du

"Con tu ejemplo seguimos luchando, por una vida digna"

"Con tu ejemplo seguimos luchando, por una vida digna"

La concentration médiatique ou le talon d'Achille de la presse chilienne 

Par Killian Chapus

Infographie Lucas Métairie

Infographie Lucas Métairie

Depuis les années 1990, l’espace médiatique chilien est aux mains de quelques capitaines d’industries, après une longue période sous le contrôle du régime dictatorial de Augusto Pinochet. Malgré ce changement d’actionnaires, des questions subsistent autour de la liberté de la presse dans le pays.

"Bien que les médias de masse semblent offrir une certaine diversité, ils appartiennent en grande partie aux mêmes groupes économiques", estime Reporters Sans Frontières à propos du Chili, lors de son dernier rapport sur la liberté de la presse. Une analyse nourrie par un constat : le pays est celui où la concentration médiatique est la plus importante d’Amérique latine. A l’échelle de la région, 60% des médias sont détenus par quelques industriels, alors que 75% à 90% des titres de presse écrite sont concentrés entre les mêmes mains, en fonction des rapports. En pratique, deux groupes se partagent presque la totalité des journaux. D’un côté l’entreprise Copesa à la tête du grand quotidien La Tercera, et de nombreuses éditions régionales. De l’autre, le véritable empire médiatique El Mercurio, du nom du plus vieux et du plus important journal au Chili.

Un service public faible 

Pour la télévision et la radio, le phénomène est aussi important et pose la question du pluralisme dans les médias. La plupart des titres se situent à droite de l’échiquier politique, déplore Damien Larrouqué, chercheur spécialiste de l’histoire des organisations publiques en Amérique latine : "Il n’y a pas de publications sur le modèle de Libération ou de l’Humanité. Cela n’existe pas dans la presse quotidienne". 

Ce sentiment de manque de représentation des diverses sensibilités politiques est exacerbé par l’absence relative de médias publics. Le secteur n’est financé qu’à 6% par l’Etat, l’un des chiffres les plus bas au monde. Cela revient à dire que chaque Chilien reverse 0,35 $ à ses organismes de presse publics. En Norvège, première du classement en la matière, chaque habitant paie 111$ et 75$ en France. En conséquence, l’Etat n’est pas en mesure de proposer un service informationnel de qualité, capable de concurrencer les titres financés par le privé. La situation économique complexe du monde médiatique explique le manque de concurrence en son sein.

"C'est la première fois que j'ai vraiment senti la censure"

Au-delà d’une offre peu variée, les propriétaires de médias sont accusés d’intervenir directement dans les choix éditoriaux des rédactions. Erika Olavarria est journaliste pour France24 espagnol, et correspondante en France pour les médias chiliens. Dans le cadre de sa correspondance, sa direction lui demande de couvrir le référendum pour la mise en place d'une nouvelle Constitution. Un scrutin obligatoire, organisé en septembre 2022. L'objectif de ses reportages était de suivre les Chiliens expatriés en France, et de comprendre leurs motivations pour approuver ou non le texte constitutionnel.

Ce référendum intervient après trois ans de vastes mouvements sociaux dans le pays, marqués par de nombreuses violences. Un contexte que la droite conservatrice préfère minimiser voire invisibiliser selon Erika Olavarria, qui tait volontairement le nom de son média, preuve des risques encourus: "Le propriétaire de la chaîne pour laquelle je travaillais ne voulait pas que j'évoque la révolution populaire du Chili en 2019. Mais c'était impossible, tous les votants m'en parlaient pendant les reportages". Un contrôle de la part des propriétaires qui va encore plus loin selon elle : "J'ai envoyé plusieurs productions, mais elles n'ont pas toutes été diffusées. C'est la première fois que j'ai vraiment senti la censure", dénonce-t-elle. Un regard sur le travail des journalistes, en lien direct avec les convictions politiques anti-manifestants de son actionnaire.

D'autres journalistes sur place sont plus nuancés. C'est le cas de Naïla Derroisné, correspondante au Chili pour des médias francophones : "Les chaînes de télévision restent libres de faire ce qu'elles veulent. Bien sûr, les lignes éditoriales sont définies comme pour CNews en France, mais je pense qu'on ne peut pas parler d'interventionnisme des propriétaires". Un point du vue nettement minoritaire chez les journalistes chiliens. 

Des transformations en perspective 

Pour lutter contre la concentration médiatique, des pistes de réflexion émergent au Chili. Un espoir est insufflé par la création de nouveaux médias numériques, avec l'avènement du Web. Des canaux d'information qui proposent un traitement de l'actualité différent de celui des médias traditionnels. S'ils sont toujours loin de faire de l'ombre aux grands titres de presse, ils permettent d'apporter un nouveau regard, et leur audience croît quelque peu. C'est le cas de El Mostrador et de El Ciudadano, leaders en matière de presse numérique. Leur développement était au cœur du projet de nouvelle Constitution, soutenu par le président chilien, finalement rejeté.

Les journaux d'investigation sont également perçus comme une alternative efficace aux médias détenus par des capitaines d'industrie. Depuis les mouvements sociaux de 2019,  ces journaux prouvent qu'un nouveau modèle économique viable existe, et qu'une indépendance vis-à-vis d'acteurs économiques est envisageable. Un espoir pour une partie de la population chilienne, désireuse de s'informer différemment. 

Crise sociale au Chili :

Quand le sensationnalisme journalistique devient l’ennemi du peuple

Par Brieuc Leturmy Perrocheau

Crédits : NataliaCatalina

Crédits : NataliaCatalina

Le 7 octobre 2019, marque le début d’importantes manifestations dans le pays. Le début d’un bras de fer entre manifestants et journalistes, qui sont accusés d’avoir une vision partiale de la crise sociale.

“Digan la verdad ! Digan la verdad ! Digan la verdad !” (en Français: “Dites la vérité”). En plein cœur des protestations, la foule scande ces slogans à pleins poumons. Dans le viseur des manifestants, les médias chiliens nationaux comme El Mercurio, La Segunda ou encore Las Ultimas Noticias, accusés de traiter ce conflit opposant contestataires et institutions de manière partiale. Le traitement est très anglé sur l’aspect sécuritaire du soulèvement avec très peu d’analyse et une couverture centrée sur la criminalisation des victimes de violences. C’est ce que nous explique Antoine Faure, directeur de l’école de Journalisme de Santiago et docteur en sciences politiques :  "La couverture de ce mouvement sociale était très située et ce n’est pas étonnant. Les journaux nationaux ont une ligne éditoriale très conservatrice. Ils dénonçaient principalement les violences perpétrées par les manifestants avec des images de feu, de destructions sans aucunement parler des revendications des manifestants ni des répressions policières."

Ces médias sont alors vus par la population comme des acteurs qui n’ont pas rendus compte des problématiques sociales, entrainant ainsi une perte de confiance des citoyens.

Les médias prenant trop de temps pour rendre compte de l’ampleur des événements, les sources, angles, images et les façons de traiter les sujets vont dans le sens d’un système médiatique qui serait le reflet des opinions et des discussions des élites.

La télévision à la solde du gouvernement

A mesure que le mouvement gagne en puissance, les grandes chaines de télévisions nationales deviennent la cible principale des manifestants. Pour cause, de grands patrons de médias ont été contactés par l’ancien président Pinera selon Antoine Faure pour censurer les sujets les plus sensibles traitant par exemple des violences policières commises par les carabineros (les policiers). Les directs permanents 24/7 avec des images doubles du studio et de la rue décuplent l’impression de violence et ainsi desservent le message des militants.

"La couverture TV des manifestations n’était vraiment pas bonne et c’est en partie ce qui a attisé la colère des manifestants pour descendre dans la rue et dire « La télé ment »". Il y avait un décalage entre ce qu’on voyait à la télévision et la situation réelle. Certains journalistes dans des rédactions étaient eux-mêmes prisonniers de cet engrenage. "Ils avaient peur de se faire virer" explique Patricia Luna, correspondante au Chili pour AP et France 24.

Particulièrement critiquées, les matinales télévisées participent fortement à ce phénomène. "Ils n’invitaient sur le plateau que des détracteurs des mouvements sociaux. On n’a jamais vu sur le plateau des leaders politiques favorables à ces mouvements ni même des manifestants".  Couplé à cela, on avait des reportages complétement hors sol qui titraient par exemple : "Des jeunes se mobilisent pour nettoyer les rues après les dégradations des manifestants" explique Pierre Thionville, étudiant chilien ayant participé aux mouvements sociaux de 2019.

Quand l’information internationale influence les journaux nationaux

L’invisibilisation, par les médias chiliens, des revendications des manifestants prend fin lorsque le traitement médiatique international va influencer l’information nationale. Ce traitement est lui focalisé sur les violences policières et leurs victimes. Les correspondants présents sur place pour différents médias vont produire énormément de contenu sur la situation. Il n’est plus possible pour les médias nationaux d’ignorer l’information. Les revendications vont aussi être diffusées sur les réseaux sociaux pour toucher une audience plus large. Les vidéos de policiers violents vont faire le tour de la toile.

Suite à cela, une timide prise de conscience générale va naitre chez les journalistes qui vont alors essayer d’éclairer des témoignages de manifestants et leaders d’oppositions, malgré le peu d’espace accordé dans les médias. Une émission télévisée, La Red, va voir le jour et devenir un acteur-clé de la presse critique du gouvernement. Elle changera ensuite d’actionnaires et cette ligne éditoriale disparaitra.

"On a vu dans les médias un court moment de progressisme, qui aura seulement duré un temps. Aujourd’hui, les médias sont à nouveaux très conservateurs. Leurs nouvelle tendance, c’est l’insécurité, la délinquance et l’incivilité dans les rues" témoigne Thomas Sepulveda, étudiant chilien à Science-Po Poitiers.

Aujourd’hui le traitement médiatique des manifestations est de plus en plus difficile. Beaucoup de journalistes sont agressés au point ou certaines rédactions n’envoient plus leurs reporters en manifestation pour les couvrir. "Certains médias locaux mettent leurs journalistes en haut d’immeubles au-dessus des parcours des cortèges pour avoir des images" explique Patricia Luna.

Entretien avec Victor De La Fuente

Photo Marion Esnault

Photo Marion Esnault

Insécurité des journalistes lors des manifestations, la liberté de la presse en péril ?

Par Rémi Capra-Brocard

Au Chili, la résurgence des manifestations populaires et la critique du système politique en vigueur, ont favorisé la mise en lumière des violences perpétrées contre les journalistes.

Dans un contexte d’insécurité et en l’absence de loi de protection des journalistes, la liberté de la presse est en danger dans le pays des poètes.

Un point de non retour a été atteint le 12 mai 2022, lorsque la journaliste chilienne Francisca Sandoval est décédée. Alors qu’elle couvrait la manifestation du 1er mai à Santiago, elle a été grièvement blessée à la tête par une balle, lors d’un affrontement entre la police et une organisation criminelle. La journaliste, alors âgée de 30 ans, est décédée des suites de ses blessures. 

Il s’agit du premier journaliste tué en période de démocratie au Chili. Depuis la révolte de 2019, l'insécurité des journalistes chiliens dans les manifestations populaires est préoccupante. Comme le relève Reporters Sans Frontières (RSF), les agressions de journalistes se multiplient avec pour conséquence directe d’entraver le travail journalistique. 

Ce drame ne permet pas de justifier, à lui seul, la dégringolade de 28 places du Chili au classement RSF en 2022. Les faits se sont en effet déroulés après la publication de Reporters Sans Frontières. Cependant, ils mettent en lumière les violences perpétrées contre des journalistes lors de la couverture de mobilisations populaires. Une nécessité démocratique devenue une activité à haut risque. 

"Ils faisaient simplement leur travail"
Rocío Zelada Alorda

Une réalité dont témoigne Rocío Alorda, présidente du “Colegio de periodistas de Chile”, principal syndicat des journalistes au Chili - Elle confirme la dangerosité des  manifestations pour les journalistes, notamment lors des mouvements sociaux de 2019 : lors des manifestations et de la crise sociale, on a vu des journalistes agressés par des policiers alors qu’ils faisaient simplement leur travail, c’est-à-dire communiquer ce qu’il se passait lors des manifs. C’était une action nouvelle, on n’avait jamais vu ça avant : agressions physiques, détentions illégales, journalistes blessés à l’œil”

Le directeur de l’école de journalisme de l’Université de Santiago, Antoine Faure, atteste également de l’insécurité dont sont victimes les journalistes au Chili : “il y a eu de la répression, ça c'est clair et net. Il y a eu des menaces de mort. Il y a eu des arrestations aussi. Il y a eu l'idée de brider certains journalistes. Pas forcément ceux des grandes chaînes de télévision ni des grands journaux, mais plutôt ceux des médias alternatifs et les correspondants”.

D’après le docteur en Science politique, ce phénomène ne concerne pas seulement le Chili. “C'est un problème qui est universel ou en tout cas qui touche l'Occident. Je pense qu'il y a un esprit d'époque. Il y a un retour de dérives autoritaires de la part des États, des États occidentaux, des pratiques de répression qu’on n’a plus vu depuis les années 80 ou qui étaient ponctuelles”.

Au moins 300 journalistes agressés en 2019

En 2019, environ 300 journalistes ont été brutalisés au cours des mobilisations, selon les chiffres de l'Observatoire chilien du droit à la communication : "on attaque ainsi la liberté de la presse. C’était quelque chose qu’on n’avait pas avant”, fustige Rocío Alorda. 

L’Association des journalistes chiliens a systématisé le recensement des cas d'attaques contre la presse depuis octobre 2019. Ainsi, entre octobre et novembre ont été enregistrées 17 attaques contre des journalistes, sans compter celles commises contre les photographes ou encore les cameramen. La majorité de ces agressions sont le fait des carabiniers, les policiers militaires chiliens. Selon l'agence de presse internationale Pressenza, les carabiniers sont les principaux agresseurs des journalistes au Chili. 

Parmi les cas relevés par l’Association des journalistes chiliens, les exemples suivants sont édifiants. 

Il convient de mentionner le cas du journaliste brésilien Víctor Pino, envoyé spécial du journal brésilien Carta Mayor, qui, le 28 octobre 2019, a été blessé par balle à la jambe par des carabiniers alors qu'il effectuait un reportage sur les manifestations à Santiago. Tout cela alors qu'il s’était identifié comme journaliste lors d'un contrôle d'identité, en montrant ses accréditations de la Fédération nationale des journalistes du Brésil, ainsi que sa carte d'identité brésilienne et son laissez-passer de sécurité.

Vidéo de l’échange tendu entre le journaliste Víctor Pino et la police, précédant sa blessure

Autre cas de figure, celui d'Estefani Carrasco et de Patricia Torres, journalistes travaillant pour le journal Estrella de Arica. Les deux ont subi des violences sexuelles de la part de carabiniers dans la nuit du 23 octobre 2019, lorsqu'elles ont été détenues pendant le couvre-feu - malgré la présentation de leur carte de presse - par une patrouille de carabiniers, et forcées de se déshabiller pour s'assurer, selon les auteurs, qu'"elles n'avaient pas d'objets tranchants".

Le témoignage poignant d'Estefani Carrasco sur son agression commise par des carabiniers

Manifestants et policiers, les journalistes pris entre deux camps

Face à ces cas d’agressions accablants, difficile d’exempter la police chilienne de toute responsabilité dans les violences ciblées contre la presse. Naïla Derroisné, correspondante à Santiago pour Radio France, confirme les abus de la police à l’égard des journalistes lors des manifestations. J’ai des collègues qui ont été maltraités par des policiers. Il y a une seule fois où cela a été compliqué pour moi dans une manifestation. J’y étais pour enregistrer du son notamment. Ce jour-là, il y a eu un mouvement de foule dû à l’arrivée des forces de l’ordre, qui jetaient des grenades lacrymogènes. Je ne pouvais plus ouvrir les yeux donc j’ai demandé à une fille à côté de moi de me faire marcher”, se rappelle la journaliste.

Toutefois, la violence à l’égard les journalistes ne serait pas uniquement du fait des carabiniers chiliens, d’après Antoine Faure :“il faut quand même prendre en compte que les manifestants n'ont pas été tendres avec les journalistes aussi, parce qu' ici, comme dans beaucoup de pays, beaucoup de journalistes sont considérés comme faisant partie de l'élite. Aujourd’hui, il n'y a plus de différenciation entre journalistes et élite politique et économique”. L’ancien journaliste parle d’une “forme de défiance” de la part des militants envers les journalistes traditionnels.

L'insécurité des journalistes au Chili selon le directeur de l'école de journalisme de l'Université de Santiago

Patricia Luna, correspondante pour France 24 et l’agence Associated Press au Chili, confirme par expérience le danger que représentent les manifestants : “vous pouvez être menacé, frappé, tout peut arriver, il y a beaucoup de violence, et on n'a pas envie d’avoir à se confronter à ces militants. Ils voient les médias comme des outils de propagande. Qu’ils lapident les policiers ou que les policiers les gazent, je dirais toujours ce qu’il se passe. Certains ne m'écoutaient pas et voyaient des caméras, ça les rendait agressifs. Cela a été très difficile pour moi et mes collègues, on reçoit des menaces et les manifestants veulent être floutés, ils ont peur que les images soient utilisées pour la répression”.

Pourtant, Naïla Derroisné avance que les agressions répétées à l’encontre des journalistes ne traduisent pas un sentiment d’insécurité général : “on n’est pas à Gaza. Le Chili reste un pays très « safe » pour les journalistes". Installée depuis 4 ans au Chili, elle admet toutefois ne réaliser globalement, que des reportages à l’abri du tumulte de la ferveur populaire : en général, les reportages que je fais sont plutôt tranquilles. Je ne suis pas reporter de guerre, mais c’est sûr qu’il faut que je fasse attention. Je me suis toujours tenue relativement à l’écart pour ne pas me retrouver dans des situations compliquées”

“Il reste tout de même une certaine liberté de la presse au Chili”
Rocío Zelada Alorda, présidente du syndicat des journalistes du Chili

La violence générée par les mouvements sociaux de 2019 s’est donc poursuivie jusqu’à aujourd’hui dans les manifestations. Les journalistes en sont les premières victimes car pris au milieu des affrontements et même parfois ciblés par la police. Malgré les nombreuses agressions de journalistes ces dernières années au Chili, Rocío Alorda concède que la liberté de la presse reste d’actualité : en termes de liberté d’expression et de censure, le Chili est un pays qui depuis la récupération de la démocratie n’est pas vraiment censuré. Aujourd’hui on a quand même une certaine liberté de s’exprimer dans la presse”

En ce sens, la présidente du syndicat des journalistes chiliens nuance le classement de RSF. Les indices de censure que présentent des organismes comme Reporters Sans Frontières placent le Chili comme assez stable sur ce point-là. Un bon indice”. En effet, excepté l’indicateur sécuritaire qui statue à un score de 115 pour le Chili contre en moyenne 55 dans le monde, les indicateurs dressés par RSF sont stables. 

Du moins, ils sont plus proches de la moyenne mondiale. La moyenne des indicateurs politique, économique, social et législatif est d’environ 76 points contre presque 62 en général. Si l’on fait abstraction de l’aspect sécuritaire, l’exercice journalistique serait donc globalement assuré. 

Photo Marion Esnault

Photo Marion Esnault

Protéger les journalistes chiliens à n'importe quel prix 

Néanmoins, le constat est largement partagé, la sécurité des journalistes est défaillante au Chili. Afin d’octroyer une protection à la presse, le “Colegio de periodistas de Chile” a récemment porté un projet de loi auprès du gouvernement chilien. Selon Rocío Alorda, cette loi obligerait l'Etat à garantir la sécurité des journalistes ainsi que la défense de leur liberté d’expression.

“On a voulu faire un projet de loi au parlement pour protéger les droits des journalistes. On a pris la loi proposée par l’Unesco autour de la loi des journalistes et avec ces documents, nous avons rédigé une loi aujourd’hui discutée au parlement. Dès la semaine prochaine, ce vote sera passé à l’assemblée et ensuite au Sénat”, ajoute-t-elle pleine d’espoir

D’après Alorda, le texte pourrait être promulgué l’année prochaine. Sur ce laps de temps, de vrais dispositifs devront être mis en place afin de protéger les garants de la démocratie que sont les journalistes. 

Remerciements à Rocío Alorda, Naïla Derroisné, Antoine Faure et Patricia Luna pour leurs témoignages.

Référendum de 2022 : Après l’espoir suscité par Boric, le chaos social

Par Lucas Métairie

Jose Pereira

Jose Pereira

Les manifestations de 2019, qui se sont traduites par l’arrivée de Gabriel Boric au pouvoir, ont conduit à un référendum sur le projet de nouvelle constitution, désapprouvé à 61%. Comment expliquer qu’un pays qui a voté pour un candidat de gauche radicale à 55% un an plus tôt rejette si massivement le projet ?

C’était la suite logique de l’élection de Boric, l’application d’une nouvelle constitution pour remplacer celle en vigueur depuis le putsch de Pinochet le 11 septembre 1973. Cette nouvelle constitution avait pour objectif de renforcer les droits des journalistes “Article 82 Toute personne, physique ou morale, a le droit à la liberté d'expression et d'opinion (...) ce qui implique la liberté de rechercher, de recevoir et de diffuser des informations et des idées de toute espèce. Art. 83.1 Toute personne a le droit de produire des informations (...) Le droit de fonder et de conserver des moyens de communication et d'information est reconnu.” En plus des droits des journalistes, la nouvelle constitution prévoyait la création de médias publics et s’engageait contre la concentration des médias, problème majeur (cf l’article de Killian Chapus) au Chili : "Art. 83.2 L'État respectera la liberté de la presse et promouvra le pluralisme des médias et la diversité de l'information. Art. 84 L'État encourage la création de moyens de communication et d'information au niveau régional, local et communautaire, et empêche la concentration de la propriété des médias. (...) Art. 85.1 Il y aura des moyens publics de communication et d'information."

La désinformation des médias de droite

La nouvelle constitution visait à faciliter le travail des journalistes, mais « les magnats des groupes de presses s’accommodent très bien de l’ancienne constitution de Pinochet, car leurs médias sont presque tous conservateurs (El Mercurio, La Tercera…). » expose Marion Esnault. Correspondante au Chili pour Reporterre, La Croix et RFI, elle explique : "Il y a eu un vrai travail de délégitimation de l’assemblée constituante (celle qui a écrit le projet de constitution, ndlr) par les médias, on délaissait le contenu pour s’attarder sur ce qui faisait de l’audience, par exemple un des membres qui avait voté depuis sa douche, d’autres qui l'avaient fait en mangeant depuis un jardin du congrès. (...) certains médias ont dit qu’on allait donner les terres, l’eau aux Mapuches (peuple autochtone), qu’on allait créer des tribunaux justes pour eux… Mais c’est un texte très compliqué à comprendre pour une population qui n’est pas forcément éduquée, et les médias ont beaucoup joué sur l’interprétation."

Un projet « trop ambitieux

Pour d’autres experts comme Damien Larrouqué, chercheur au CNRS et spécialiste du Chili, l’importance des médias est à nuancer dans ce vote : "Cela n’explique pas tout. On peut expliquer cet acte constitutionnel manqué par les contradictions propres au projet de nouvelle constitution vis-à-vis de l’opinion publique. Certains éléments entraient en opposition avec la vision générale de la société, ce qui a généré des crispations politiques, culturelles voire identitaires." Le projet de nouvelle constitution se basait sur le postulat que la révolution par la rue allait provoquer un changement constitutionnel. Finalement, elle s’est heurtée aux sensibilités de nombreux citoyens. Le nouveau texte "peut être trop ambitieux" pour Marion Esnault, introduisait l’idée d’un état "plurinational" dans son 5e article ; "Les peuples et les nations autochtones préexistants sont les Mapuche, les Aymara, les Rapanui, les Lickanantay, les Quechua, les Colla, les Diaguita, les Chango, les Kawésqar, les Yagán, les Selk'nam et d'autres qui pourront être reconnus conformément à la loi." La société chilienne ne semblait pas "prête" à accepter des changements si profonds : "Pour certains, installer un état plurinational, c’est s’attaquer au drapeau, à l’hymne du Chili, presque à la ferveur populaire. La société chilienne est globalement nationaliste" rappelle Damien Larrouqué.

La faible abstention co-responsable ?

Les modalités du vote ont également contribué à l’échec de cette constitution : contrairement à l'élection présidentielle, l’abstention lors du référendum était sanctionnée d’une amende de 180€. A titre de comparaison, il y avait près de 8 millions d'abstentionnistes sur les 15 millions d’inscrits lors du premier tour de l'élection présidentielle en 2021. Lors du référendum, il n’y a eu que 2 millions d’abstentionnistes pour autant d’inscrits, soit 6 millions d’électeurs en plus. Pour Damien Larrouqué, une grande partie de ces votants n’ont pas compris l’enjeu, envisageant le référendum comme un vote pour ou contre le programme de Boric, qui se reflétait dans la constitution. Marion Esnault pointe aussi le rôle des médias, qui n’ont pas souligné le côté exceptionnel de cette obligation : "ça a joué inconsciemment sur le vote de la population, car avec 30/40% de votants en plus, le patron électoral est tout à fait différent."

Si une nouvelle constitution est en préparation et sera votée fin 2023, le processus est cette fois bien différent. "On est revenu à un comité d’experts : de vieux politiciens issus de partis politiques, il n’y aura pas de gros changement (…) l’année dernière on avait des jeunes militants progressistes qui étaient trop ambitieux, ça avait d’ailleurs vraiment plu aux médias internationaux" rappelle Marion Esnault.

Sources : Damien Larrouqué, Marion Esnault, Patricia Luna, Carolina Cerda Guzmán et Elba Guzmán Chacana

L’actualité internationale : traitement partiel et approche ciblée


Par Bastien Dufour

Le Chili fait assez peu parler de lui, hors des grosses actualités comme le référendum constitutionnel qui avait mobilisé les correspondants étrangers. Même pour les médias chiliens, l’international reste à l’arrière-plan.

Le Chili est très intégré dans les organisations et le commerce international notamment grâce à une économie basée sur les matières premières. Il est le premier exportateur mondial de cuivre et ses mines tournent à plein régime. Elles sont d’ailleurs détenues par les mêmes patrons qui concentrent les grands groupes médiatiques comme évoqué précédemment.

Paradoxalement, les médias chiliens laissent l’actualité internationale au second plan, et se contentent généralement de suivre l’agenda médiatique international en travaillant avec les agences. “Quand tu n’es pas une grande puissance mondiale, il y a moins d'intérêt à faire de l’information internationale note Marion Esnault, correspondante pour plusieurs médias français comme La Croix, Reporterre ou RFI, le Chili reste “le petit pays au bout du monde” ajoute-t-elle. 

Le traitement international reste donc cantonné aux informations qu’il est impossible d’ignorer. De grands événements comme le décès de la Reine Elizabeth II au Royaume-Uni sont revenus à plusieurs reprises dans les entretiens. Plus récemment, le procès de l’ancien président des États-Unis Donald Trump est particulièrement traité, en témoignent les rubriques “Mundo” de médias comme La Tercera ou Canal 13. “Je pense que les agences de presse font une grande partie du travail”, explique Patricia Luna, correspondante au Chili pour France 24 et Associated Press. La rubrique internationale du site de Canal 13 est par exemple essentiellement composée de contenus issus de la Deutsche Welle ou BBCNewsMundo. Même les onglets “international” sont assez peu visibles sur les sites internet des grands médias, celle du Mercurio est reléguée, dans la deuxième partie de la barre de navigation, avec une police plus petite et donc bien moins mise en évidence.

Les médias continuent tout de même de produire leur propre information avec de plus en plus de correspondants, constate Erika Olavarria, correspondante pour plusieurs télévisions chiliennes en France : “les médias chiliens sont un peu en changement [...] Avant, dès qu’il y avait un événement super important pour la chaîne, ils envoyaient quelqu’un. Maintenant, ils font plus confiance aux correspondants”. La répartition de ces derniers se fait de manière “stratégique” pour Marion Esnault.

Fortes disparités territoriales

Cela donne lieu à un traitement différencié selon les régions du monde. Pour tous les journalistes et chercheurs contactés à ce sujet, le constat est unanime concernant  l’Afrique : le continent n’est jamais abordé. Ailleurs, l’Amérique latine reste une zone d’intérêt majeure, mais ce sont essentiellement les États-Unis et l’Europe qui concentrent la majorité du traitement de l’actualité internationale. Il y a plusieurs raisons à cet ostracisme à l’égard de certaines parties du monde. Elles sont “essentiellement géopolitiques” pour Antoine Faure, directeur de l’école de journalisme de Santiago et docteur en sciences politiques. “L’Europe, c’est quand même le continent qui a conquis l’Amérique latine et qui a beaucoup influencé le système éducatif, militaire, économique, etc. Les États-Unis ont pendant longtemps été le premier partenaire commercial”, ajoute-t-il. La Chine qui a pris cette place depuis quelques années a naturellement vu sa place dans l’espace médiatique chilien croître. “L’idée centrale c’est de faire comme l’économie” explique Victor de la Fuente, le directeur du Monde diplomatique de Santiago. Cela expliquerait la faible présence des pays latino-américains, en comparaison avec le traitement de l’occident.

Si globalement le thème de la “délinquance” est très largement dominant dans le traitement de l’actualité nationale selon Antoine Faure, il se retrouve aussi à l’international et surtout lorsque des Chiliens sont concernés. Erika Olavarria, correspondante en France et Chilienne elle-même, le note dans les commandes qu’elle reçoit : “il n’y a pas longtemps, j’ai couvert le procès d’un chilien accusé, et condamné d’ailleurs, d’avoir tué une Japonaise à Besançon. Le Chili était très intéressé. [...] Ce qui avait eu beaucoup de succès aussi, c’était le procès de deux Chiliens accusés d’avoir tué un travesti en Malaisie. Il y a tout un truc patriotique avec ces deux “pauvres Chiliens” condamnés à être pendus. Il y avait un envoyé spécial pendant tout le procès. Et le pire, c’est qu’ils étaient coupables”.

Une formation en adéquation avec les pratiques éditoriales

Ce mode de traitement de l’actualité internationale se répercute naturellement dans l’offre de formation en journalisme dans le pays. “Malheureusement, on ne les forme pas assez à cela” explique Antoine Faure, qui dirige l’école de journalisme de Santiago depuis janvier 2023. Quand en France et en Europe des cours sont dédiés au traitement de l’actualité internationale, au Chili, son enseignement est plus transversal. “Dans tous les cours, il y a des unités programmatiques qui cherchent à aborder les questions internationales, des exercices de revue de presse orientés volontairement vers la presse internationale et des cours optionnels qui peuvent [s’y] rattacher. [...] Mais ce n’est pas assez développé, enfin à mon goût en tout cas”. Une prise de conscience du directeur, français, qui pourrait peut-être amener à des changements dans l’enseignement.

On peut voir dans cet onglet "Mundo" ("Monde" en espagnol) que la plupart des contenus sont issus des agences de presse. Capture d'écran du site https://www.t13.cl/mundo.

On peut voir dans cet onglet "Mundo" ("Monde" en espagnol) que la plupart des contenus sont issus des agences de presse. Capture d'écran du site https://www.t13.cl/mundo.

Les médias chiliens ne traitent que de quelques partie du monde, lest Etats-Unis et l'Europe en tête, l'Amérique du Sud et la Chine dans une certaine mesure. Carte Bastien Dufour

Les médias chiliens ne traitent que de quelques partie du monde, lest Etats-Unis et l'Europe en tête, l'Amérique du Sud et la Chine dans une certaine mesure. Carte Bastien Dufour

Les médias chiliens suivent de près les faits-divers, dans leur pays mais aussi à l'étranger, notamment lorsqu'un Chilien est concerné. Image d'illustration gorodenkoff

Les médias chiliens suivent de près les faits-divers, dans leur pays mais aussi à l'étranger, notamment lorsqu'un Chilien est concerné. Image d'illustration gorodenkoff